Pourquoi Mula Bhanda est toujours d’actualité

mula bhandaLe titre de cet article m’est venu suite à la lecture d’un article sur un important site de yoga anglophone.  Les auteurs posaient la question de savoir si Mula Bhanda était une technique toujours adaptée aux “yogis” contemporains.

Pratiquant un yoga de “type” tantrique, Mula bhanda, comme tous les bhandas et mudras, est une technique fondamentale dans ma pratique.  Est-ce que cette technique est inadaptée pour d’autres yogas ? Je ne sais pas, je ne les connais pas assez pour le savoir.

Mula bhanda est parfois vu aujourd’hui comme une technique mystérieuse ou d’un temps révolu. Certains vont même jusqu’à dire qu’elle peut être néfaste. Ce n’est pas du tout mon expérience. C’est une technique qui m’a au contraire apporté beaucoup.

D’abord, Mula Bhanda, qu’est-ce que c’est ?

Il existe plusieurs définitions de Mula Bhanda. Celle que je vous donne ici est celle du natha yoga.

Mula Bhanda est “la contraction permanente et légère du sphincter (externe) de l’anus”, et uniquement l’anus.

Il ne concerne donc pas tout le plancher pelvien. Au contraire, dans un idéal, le yogi est capable de dissocier les différentes parties de sa base et de contracter indépendamment anus, rectum, sexe,… Certains disent que c’est illusoire d’arriver à ce niveau de connaissance et de perception. Ok, je ne vais pas vous mentir et dire que ça se fait “les doigts dans le nez”. Autant dire que c’est chaud. Ca prend des mois, des années,… peut-être jamais …

Est-ce pour autant une raison pour ne pas chercher, pour ne pas s’entraîner ? Faut-il pour autant supprimer la technique ? ou considérer qu’elle n’a plus sa place aujourd’hui ?

D’une part, comme toutes les pratiques du yoga, c’est plus “faire” la technique que la “réussir” qui compte. Si vous pratiquez, vous avez sûrement déjà dû remarquer que les postures délivrent leurs bienfaits déjà quand on s’y essaie (même si on arrive pas à les faire “comme un pro”).

D’autre part, il ne manque pas de postures de yoga qui paraissent totalement inaccessibles à beaucoup de personnes. Ce n’est pas pour cela qu’on les raye de la pratique. Au contraire, elles ont même plutôt la cote sur internet.

Evidemment, “contracter l’anus” n’a rien de glamour, pas de quoi faire un selfie. Je me demande parfois si notre incapacité à développer une perception fine de cette zone du corps ne trouve pas tout simplement son origine dans les tabous.

 

Mula Bhanda, à quoi ça sert ?

Sur le plan de l’énergie

Tous les bhandas et mudras sont directement associés à l’énergie et la concentration. Traditionnellement, on dit que ces contractions et gestes empêchent la déperdition d’énergie. Ils augmentent et  concentrent l’énergie et canalisent le mental.

Mula Bhanda est associé principalement à l’énergie Apana, un courant d’énergie dirigé vers le bas et qui est lié à l’élimination. Les yogis considèrent que ce courant prend trop souvent le dessus et est ainsi source d’une perte conséquente d’énergie. Mula Bandha permet de limiter ou d’inverser ce courant vers le haut.

Sur le plan physique

Mula Bhanda assure une bonne tenue. Il augmente la puissance et la concentration.

Personnellement, travailler Mula Bhanda et ashvinimudra (confer un peu plus loin dans l’article) m’a donné beaucoup d’ancrage et m’a permis de développer mon équilibre (qui était plus que précaire). Egalement, j’ai senti que ça m’a aidé à augmenter le temps de tenue d’une posture et a contribué à focaliser le mental, la volonté et la concentration.

 

Quand faire Mula Bhanda ?

En Natha Yoga, on fait Mula Bandha TOUT LE TEMPS. Les seules exceptions que je connaisse sont les moments de relaxation et le yoga nidra.

Toutes les postures, tous les pranayamas, les concentrations,… sont toujours accompagnés d’une contraction au moins légère de l’anus. J’aime utiliser le mot “tenue” plus que contraction pour bien saisir Mula Bhanda. Il s’agit d’un maintien, d’une fermeté, d’une forme de puissance ou de force, une forme de présence. Rien à voir avec de la rigidité, de la tension ou de la compression.

 

Y aurait-il des risques à pratiquer Mula Bhanda ?

Certaines personnes disent que la pratique du Mula Bhanda n’est pas bonne parce qu’elle entraînerait une rigidité ou une dureté de la musculature de la base, avec des conséquences néfastes comme par exemple la constipation, etc… Ce serait encore plus “mauvais” pour les femmes avec des risques pour l’accouchement etc … Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Je voudrais même savoir si les personnes qui avancent ces théories ont déjà eu à porter un bébé.

En ce qui concerne la constipation, l’expérience m’a plutôt montré l’inverse. Je connais beaucoup de personnes qui ont vu leur transit largement amélioré grâce au yoga.

En ce qui concerne les femmes, c’est vrai que la prise conscience subtile de cette zone du corps n’est pas facile, qu’on ait des muscles trop relâchés (suite à des grossesses par exemple) ou qu’on ait des tensions, de la rigidité. Voire les deux à la fois, des muscles trop relâchés et aussi en même temps des « noeuds », des tensions. La meilleure chose qu’on puisse faire est de remettre de la conscience dans cette zone devenue tellement taboue (voire maltraitée pour certaines) que la plupart des femmes sont devenues incapables de la sentir, de la faire fonctionner comme il faut.

S’entraîner, dans différentes positions, à contracter et relâcher les différents muscles de sa base, est une bonne chose. Apprendre à détendre son plancher pelvien et le bas ventre est important, pratiquer Mula bhanda aussi. A chaque objectif son exercice, le plus important étant de savoir ce qu’on fait et pourquoi on le fait.

Il y a plein de raisons pour qu’une femme rencontre un problème à l’accouchement :  parce qu’elle “a perdu l’instinct” de pousser correctement et qu’on ne lui a pas appris, parce qu’elle est sous péridurale et qu’elle ne sent plus rien, parce que ses muscles rigides portent une mémoire traumatique, … ok. Mais parce qu’elle aurait fait Mula Bhanda pendant la grossesse ? Non.

 

Ne pas confondre Mula bhanda et Ashvinimudra

Mula Bhanda est bien une contraction définie comme légère et continue même si parfois, on dit de le tenir “fermement” dans des pratiques plus intenses.

Il existe une deuxième contraction : ashvinimudra. C’est la contraction du rectum (sphincter interne) qui est une contraction plus intense mais discontinue (se fait plus sous forme d’à-coups).

Ashvinimudra doit pouvoir s’effectuer indépendamment du Mula Bandha, même si je vous avoue que ça, c’est vraiment difficile.

Si Mula Bandha sert à éviter les fuites d’énergie, ashvinimudra est quant à lui, un booster d’énergie.

Mula bhanda se tient dans toutes les techniques. Ashvinimudra est réservé à certaines pratiques et ne se fait pas tout le temps.

 

D’autres définitions et explications de Mula Bhanda

Comme je vous l’ai dit en début d’article, il existe plusieurs définitions de Mula Bhanda selon les écoles. Voici un article du blog yogamrita reprenant ces différents définitions. Je trouve ça très intéressant.

Voilà en tout cas de la matière, de quoi passer « quelques » heures à la recherche de la libération de nos « noeuds » et de la connaissance de soi.

http://www.yogamrita.com/blog/2013/01/12/mula-bandha-la-ligature-de-la-base/

Bonne pratique les yogis !

18 Comments

  1. Chantal

    Merci Eve-Anne de toutes ces précisions claires et nettes que tu nous donnes à chaque fois sur ton blog que je suis constamment. Il éclaire ma pratique et ma formation en natha que je suis en train de terminer. Toute ma gratitude.

  2. Eve Anne

    Merci à toi Chantal pour ton soutien.

    Je suis ravie de savoir que tu as bientôt fini la formation. A l’avance félicitations !
    Tiens moi au courant. Je lèverai mon verre à distance 🙂

    Bien à toi

  3. Delphine

    Bonjour Ève Anne et merci pour cet article, je suis ton blog régulièrement et le trouve très intéressant.
    Je suis professeur de yoga (hatha) et utilise très peu mula bandha avec mes élèves mais je le pratique notamment lors des rétentions de souffle.
    Tu dis qu’en natha yoga, mula bandha est installé dans toutes les postures et je me demande comment tu abordes mula banda avec des débutants ? Dès la 1 ère séance ?
    Et toi combien de temps t’a-t-il fallu pour « maîtriser » mula bandha et l’installer pendant toute ta pratique ?

  4. Eve Anne

    Bonjour Delphine,
    Merci pour ton commentaire.
    Avec les débutants, je n’en parle pas dès la première séance. Cependant, j’en parle assez rapidement mais pas pour toutes les postures.
    Je mets l’accent sur d’autres priorités comme développer la capacité à se relaxer, s’étirer, apprendre la respiration abdominale, développer le toucher, etc …
    Si les gens se focalisent trop sur Mula Bandha, ils perdent le reste ou se découragent parce qu’ils n’y arrivent pas, ou ne comprennent pas l’intérêt.
    Je profite des postures plus en puissance pour parler de Mula Bandha comme par exemple les triangles, le chien tête en haut, le cobra … où on peut plus facilement sentir que cette contraction peut aider la posture.
    Parfois aussi, quand on travaille l’assise, j’en profite pour faire des exercices sur les muscles de la base. D’autres fois aussi quand on fait tadasana, je « caricature » les attitudes du corps quand j’explique ce qu’est apana.
    Dans le bhastrika aussi, j’en parle surtout pour se rendre compte que, dès que l’attention lâche, mula bandha aussi.
    Il y a des cours où j’en parle un peu plus, et des cours où je laisse quasiment tomber, en fonction du contexte.
    Et surtout, j’explique que c’est normal que ce soit difficile, que ça lâche …
    Personnellement, je ne dirais sûrement pas que je « maîtrise ». J’ai commencé à m’y essayer quand j’ai commencé le natha yoga il y a à peu près si 6 ans (avant, on ne m’en avait jamais parlé plus que ça). Je dirais que, pendant au moins deux ans, cette technique était plus que mystérieuse pour moi. Ca lâchait. J’oubliais .. et je ne m’en rendais même pas compte. Puis je me suis rendue compte à quel point je manquais de concentration et que je ne prenais pas assez le temps. Je m’y suis mise plus sérieusement, j’ai gagné en stabilité et ça s’est amélioré. Et je commence seulement depuis peu à saisir certaines subtilités (comme différencier ashvini et mula bandha). En ce qui concerne le fait de le tenir dans la durée de toute une séance, il s’agit d’un chemin, d’un objectif vers lequel tendre. On sait que, pour tout le monde du débutant à l’expert, dès que la concentration lâche, Mula bandha lâche aussi. Quand on s’en rend compte, on le réinstalle. Avec l’entraînement, le temps de tenue augmente entre les moments où ça lâche. Je me dis parfois que dès qu’on n’est plus dans l’instant présent, c’est « foutu ». Je vois ça plus comme le fait de s’entraîner à maintenir un état de concentration intense plutôt que comme un objectif qu’on aurait atteint une bonne fois pour toute. Après, peut-être que dans 20 ans, j’aurais un autre discours … 🙂
    Bien à toi

  5. Delphine

    Merci beaucoup Eve-Anne pour ta réponse très complète 🙂

  6. Hyper intéressant Eve-Anne, merci beaucoup pour cette approche détaillée. A l’avenir, j’essayerai de le pratiquer plus souvent. En Vini, on l’utilise à petites doses, et plus souvent dans le cadre de pranayama, sur des rétentions. Ah et pour finir, j’ai adoré le passage « Evidemment, “contracter l’anus” n’a rien de glamour, pas de quoi faire un selfie. » Merci pour ce moment aussi 🙂

  7. Thomas

    Bonjour,
    Je recherche depuis quelque temps à faire correctement le mula bhanda. Andre Van Lysbeth en donne une définition différente de la votre:
    « Avant d’en arriver aux indications pratiques précises, retenons les éléments essentiels de Mula Bandha :
    1 ) contraction continue et simultanée du sphincter anal externe et interne
    2) contraction du muscle releveur de l’anus;
    3) contraction du « plancher pelvien » (cf. Asvini Mudra);
    4) contraction du bas-ventre pour repousser les viscères vers le sacrum;
    5)Kumbhaka, c’est-à-dire rétention du souffle à poumons pleins. Cet élément n’est pas indispensable, car souvent Mula Bandha est maintenu pendant un temps très long, s’étendant sur plusieurs prânayâmas. »
    Le mula bandha serair donc d après lui une contraction complète de la base. Pas seulement de l’anus, qui serait alors asvini mudra.

    Qu’en pensez vous?

    Cordialement.
    Thomas

  8. Eve Anne

    Bonjour Thomas,

    Merci d’apporter votre éclairage.

    D’une école à l’autre, il y a des appellations différentes et des façons de faire différentes, un peu comme pour les postures aussi d’ailleurs. Il y a des variations dans les noms et les pratiques elles-mêmes.
    J’ai bien sûr déjà entendu la définition que vous donnez. Ce que vous décrivez se pratique aussi en Natha, dans des techniques par exemple comme le kapalabathi ou des respirations avec rétentions… Par contre, on ne va pas maintenir toutes ces contractions tout le temps dans toutes les postures, mais seulement dans des techniques ou à des moments précis. Quand on parle de maintenir Mula Bhanda tout le temps dans les postures en Natha, il s’agit du sphincter externe de l’anus uniquement.

    Par contre, je vous avoue que je ne vois pas ce que Khumbaka vient faire dans la définition du Mula Bhanda. Dans les khumbaka, on fait Mula Bhanda mais Mula Bhanda n’inclut pas une khumbaka. De nouveau, je ne peux parler que du yoga que je pratique …

    Maintenant, je pense que le plus important n’est pas la terminologie mais bien de savoir ce qu’on fait, quand et pourquoi le faire.
    Ce que je voulais surtout aussi faire passer comme message, c’est que cette technique est loin d’être désuète ou mauvaise comme certains le disent, mais au contraire qu’elle est très importante pour l’énergie, qu’elle apporte beaucoup et qu’elle vaut la peine de s’y attarder.

    Bien à vous

  9. Coucou, moi aussi je viens de me lancer dans une formation en Natha Yoga, discipline qui correspond parfaitement à la façon dont je conçois le yoga (certaines façons de pratiquer, trop « gymnastique », ne me correspondaient pas du tout). Je trouve que tenir les postures longtemps et avec les mudras et les bandas améliore de suite leur effet, même si c’est plus difficile, et surtout Mula Bandha, que je n’arrive encore pas à tenir très longtemps… 🙂 Cependant, quand je le garde, je sens tout de suite l’énergie qui monte mieux dans la colonne, c’est magique! Alors, concernant, l’accouchement, je t’en dirai bientôt des nouvelles (j’en suis à 8 mois de grossesse!!), mais je pense franchement que ça devrait faciliter les choses, et surtout la rééducation du périnée qui va suivre!!! Bon vent à toi, et à bientôt!

  10. Eve Anne

    Bonjour Adeline,
    contente de faire ta connaissance
    Et déjà bienvenue à ton bébé 🙂
    A bientôt

  11. Luigi

    Merci pour cet article intéressant, je m’intéresse à ce sujet et j’ai fait des nombreuses recherches étant donné que c’était jamais assez clair pour moi, je pensais avoir mieux compris mais voilà qu’il y a quelques jours je tombe sur un enseignement de Leslie Kaminoff qui dit que les bandhas à l’origine étaient utilisés pendant le pranayama et pas du tout lors des asanas, ce n’est venu qu’avec l’arrivée de l’ashtanga, d’où ma question, devrions nous vraiment pratiquer les bandhas lors des asanas??
    merci, namasté

  12. Eve Anne

    Bonjour Luigi,
    Merci pour votre commentaire.
    A nouveau, je ne peux parler que du yoga que je connais bien. Je ne sais pas quelles sont les habitudes dans d’autres écoles. Je crois tout simplement qu’il faut suivre la façon de faire de l’école qu’on a choisi car le plus important reste d’avoir une pratique cohérente. Je n’aimais tout simplement pas le ton utilisé dans l’article que j’ai pu lire sur le sujet, qui traitaient les bhandas comme des pratiques désuètes, ayant perdu leur signification voire dangereuses.
    Dans le natha, on pratique Mula Bhanda aussi dans les postures, mais dans le sens conscience et tenue du sphincter externe de l’anus. Il y a toujours association de bhandas, drishti, mudra de la langue, mantra et visualisation dans toutes les pratiques posturales ou respiratoires. La synchronisation entre tous ces éléments est l’essence même de cette façon de faire. On aime aussi souvent faire de liens entre certaines parties du corps (comme par exemple relier anus, axe, yeux), ce qui favorise la concentration et l’énergie.
    Peut-être (ce n’est qu’une hypothèse …) Leslie Kaminoff parlait-il des écoles nées de patanjali uniquement (mais franchement je n’en sais rien)… Le yoga tantrique des nathas remonte bien avant cela.

  13. Luigi

    Merci beaucoup Eve Anne d’avoir pris le temps de me répondre, comme toi je n’aime pas non plus le ton employé pour dire que les bandhas peuvent être dangereux, je ne connais pas encore assez bien le Natha mais je vais m’y intéresser de plus près, et continuer mes recherches sur les bandhas et demander leurs avis à différents enseignants de mon entourage, merci encore!
    OM shanti

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