L’immobilité, dans le yoga traditionnel, est une notion importante.
Cela commence par la recherche d’immobilité du corps dans la posture, prérequis pour l’arrêt du souffle et des pensées. C’est pour cela qu’il est important d’apprendre à tenir une posture progressivement de plus en plus longtemps dans le temps.
Quand le corps ne bouge plus, que le souffle est devenu tellement subtil qu’on ne le perçoit quasiment plus, alors le mental s’immobilise aussi. C’est l’état méditatif.
Tout ceci est loin d’être facile, c’est un chemin de longue haleine, de toute une vie …
Immobilité dans le yoga : pourquoi est-ce si important ?
Dans le yoga, l’état d’immobilité est l’état de la conscience pure et de l’unité. L’accès à cet état prometteur de bonheur nous est habituellement barré à cause de nos modes de pensées et de fonctionnements ordinaires basés sur la dualité. La recherche du yogi est un état d’intériorité et d’unité où la conscience pure s’exprime sans être “polluée” par les caprices de l’ego.
Pas d’affolement : je vous mets la traduction :
Pour le dire simplement, nous sommes constamment tiraillés entre le bien et le mal, le beau et le laid, … ce que nous pensons être bénéfique pour nous et pour les autres et ce que nous pensons être mauvais pour nous et pour les autres, etc;.. Notre mental calcule constamment.
S’immobiliser dans une posture nous permet de nous décaler par rapport à ce mode de fonctionnement habituel et par rapport à l’agitation qu’il y a en nous et autour de nous. Elle permet également de s’observer et d’apprendre à se connaître de l’intérieur, sans calcul et sans jugement.
Lorsque le mouvement s’arrête, l’agitation mentale, le calcul, la réflexion intellectuelle s’arrêtent pour laisser la place à un état de calme, d’intuition et de certitude, un état de présence à soi où le jugement a perdu toute sa raison d’être.
De nombreux obstacles s’opposent à l’immobilité
- le corps : si mon corps est inconfortable dans une posture, si j’ai des tensions, je ne vais pas pouvoir rester immobile très longtemps dans la posture
- l’énergie : si je n’ai pas beaucoup d’énergie, si mes énergies sont basses, si je suis fatigué, je ne pourrai pas non plus tenir longtemps une posture, même si je suis souple ou musclé. Ma respiration est courte et rapide. Ce sera difficile d’avoir un souffle lent, de faire des rétentions ou de savourer des moments d’immobilité dans ma respiration.
- le mental : agitation, flots de pensées incessantes, petite voix dans la tête qui vous limite, sentiment de vivre dans l’urgence, de ne pas avoir le temps, hypersensibilité,… et j’en passe … Très souvent, même si le corps et la respiration tiennent le coup dans une posture, c’est le mental qui nous empêche de nous immobiliser. C’est souvent difficile voire insupportable pour certaines personnes de rester plusieurs minutes dans une position sans bouger, avec ce sentiment de “ne rien faire” ou que “ça ne sert à rien”, ou qu’il y a « mieux à faire ». Le mental, sujet à notre instinct de consommation, veut plus, veut différent, varié, veut que ça aille vite … et ne veut pas s’arrêter…
Par exemple :
Observez-vous la prochaine fois que vous faites une posture inversée (chandelle, pose sur la tête,…). Ce sont des postures qu’on aime essayer de tenir dans la durée.
– Quand on est débutant, le corps se manifeste souvent et on revient de la posture parce que c’est difficile physiquement. (“obstacle “physique”)
– On peut aussi sentir le besoin de lâcher la posture parce qu’on sent une oppression, ou le nez qui se bouche … On a du mal de respirer (“obstacle énergétique)
– Puis ensuite, on se familiarise avec la posture. Le corps et la respiration s’adaptent et on peut tenir plusieurs minutes. C’est alors le mental qui vient mettre une barrière à la durée de la pratique. Si vous revenez de la posture, ce n’est pas tellement parce que votre corps rouspète mais plutôt parce que vous en avez marre de rester aussi longtemps sans bouger dans la même position. Les minutes paraissent des heures. Vous êtes pris d’une forme d’agitation. Et c’est bon, passons à autre chose… Ici, c’est votre mental qui a influencé votre capacité à rester dans la posture.
Alors, que peut-on faire pour s’immobiliser ?
Se concentrer sur sa respiration
Amener toute son attention sur son souffle, l’allonger, le ralentir et visualiser sa circulation dans certaines parties du corps (comme l’axe par exemple).
Installer un rythme dans sa respiration : le plus classique étant de compter jusque 4 à l’inspiration et jusque 8 à l’expiration
Ici, la respiration Ujjayi est fondamentale dans la gestion du souffle.
Utiliser des mantras : om, ham sa, so ham, …
Récitation mentale de sons pendant la posture qui court-circuitent les pensées parasites
Utiliser des visualisations
Pendant la posture, visualiser le trajet de son souffle dans sa colonne vertébrale ou dans un chakra (expansion du chakra à l’inspiration- rétraction à l’expiration)
Ceci court-circuitent également les pensées parasites
Utiliser des mudras et des bandhas
Par exemple
- Fixer le regard sur un point ou converger le regard (loucher), pour diminuer/éliminer l’agitation due aux yeux et aux mouvements oculaires
- fixer la langue contre le palais pour l’empêcher de bouger ou retourner la langue dans la bouche, pour diminuer – éliminer l’agitation due aux mouvements inconscients de la langue lorsque nos pensées vagabondent
- faire un mudra au niveau des mains, pour éviter la déperdtion d’énergie au niveau des mains
- faire mula bandha, pour éviter la déperdition d’énergie au niveau de sa base
Trouver le juste équilibre entre plaisir et volonté
Plasir et volonté : ces deux énergies vont de paire et s’auto-entretiennent.
Pas besoin d’un long discours pour comprendre qu’apprendre à rester immobile demande d’exercer sa volonté. L’exercice de la volonté est indispensable. Je décide à un moment donné de ne plus bouger et de rester. Mais si j’exerce uniquement la volonté, je risque de devenir rigide, de me couper de moi-même plutôt que de m’intérioriser et, finalement, de rendre ma pratique stérile, voire nocive.
Il est important de faire intervenir la notion de plaisir. Et oui, il y a de la saveur dans le fait de ne plus bouger.
Et si votre agitation vous empêche de vous poser, sachez qu’à l’inverse, exercer votre volonté à rechercher le plaisir de se poser va calmer votre agitation.
Immobilité dans le yoga : A vous de jouer
Je vous propose deux exercices qui vous aideront à prendre contact avec la saveur de l’immobilité, dans le corps et dans le souffle.
Cette saveur, vous pourrez chercher à la reproduire dans toutes vos pratiques.
Allongez-vous sur le dos dans Savasana et faites-y une petite relaxation.
Relâchez les tensions. Observez le va-et-vient de votre respiration.
Puis, en associant la visualisation et la perception tactile, vous allez prendre conscience des différentes parties du corps.
Pour cette partie, je vous renvoie à l’article “La relaxation, évacuer le stress et se régénérer” ou la partie relaxation dans le guide “Améliorez votre sommeil grâce au yoga”.
Quand vous aurez pris conscience des différentes parties du corps :
Exercice 1 : vous allez ressentir que l’entièreté du corps est immobile et que, dans cette immobilité, il y a un mouvement, celui de la respiration.
Comparez les deux : immobilité et mouvement.
Vous pouvez le faire selon les deux points de vue :
- A partir de l’immobilité du corps, observez et savourez le mouvement du souffle
- A partir du mouvement du souffle, prenez conscience et savourez l’immobilité du corps.
Exercice 2 : Lorsque vous vous sentez vraiment détendu dans la relaxation, observer votre respiration. Puis observez le moment d’arrêt de votre souffle à la fin de l’expiration. Il ne s’agit pas d’une rétention, juste un moment où tout s’arrête quand vous avez fini d’expirer, avant que l’inspiration ne reprenne. Prenez conscience que, pendant ce moment où votre respiration s’arrête, tout est immobile. Et savourez …
Vous pouvez aussi le faire à la fin de l’inspiration, avant que l’expiration ne reprenne. Ou les deux, à la fin de l’inspiration et à la fin de l’expiration.
Je vous souhaite une très belle pratique … en immobilité
Et vous, est-ce facile/ difficile pour vous de rester dans l’immobilité ? Laissez un commentaire …
10 Comments