Lorsque que la “course” du quotidien ou que la “frénésie” d’internet éveillent des doutes en moi ou qu’ils réaniment mon bon vieux démon de la “recherche de perfection”, je me rappelle le texte suivant. Il est directement issu de l’enseignement que j’ai reçu de Christian Thikomiroff pendant ma formation de professeur de yoga, d’un enregistrement que j’écoute régulièrement pour me rappeler ce qui est important.
Ce texte parle du pranayama (ensemble de techniques respiratoires et énergétiques du yoga) mais, comme il l’indique dès la première phrase, il est également de bon conseil pour le quotidien.
Je trouve certaines réflexions très fortes comme :
- le fait que la mesure du “juste effort” dans la pratique est non seulement personnelle mais qu’elle est une remise en cause de tous les jours
- le fait que “l’effort pour l’effort” a un effet pervers
Mais ce qui me touche le plus, c’est le changement de regard que ce texte propose sur notre conception du temps. Le temps qui passe est notre allié et son usure est créatrice. Cette belle pensée a la faculté magique de me réconcilier avec tous mes défauts.
J’avais simplement envie de partager ces quelques extraits avec vous. En espérant qu’ils puissent également être inspirants pour vous…
“(…) Le Pranayama dépend, comme tous les arts, de l’équilibre et de l’harmonie. C’est finalement une image pertinente de l’attitude juste dans la vie.
A part quelques exceptions, l’humain ne peut rien produire sans effort. En même temps, trop d’effort conduit à la rigidité.
Le juste milieu est difficile à connaître et à maintenir car il est relatif à chacun. Et aucune référence extérieure ou collective ne permet à l’individu de se positionner en lui-même. “Forcer sans effort” correspond à une recherche du juste milieu pour soi car il n’y a de réponse que personnelle. (…)
“Stira Sukam”, l’ “attitude aisée”, n’est, d’une part, valable que pour soi et d’autre part, chaque jour différente. C’est chaque jour remis en cause. C’est un fruit plus qu’une règle, une conséquence plus qu’un objectif.
Chacun doit trouver sa limite d’effort au-delà de laquelle l’effort devient stérile et contraire au but recherché. Cette façon de se positionner face à l’effort ne signifie pas que l’effort ne soit pas le préalable à tout apprentissage ou au changement, mais cela indique qu’il ne faut pas dépasser sa limite et également qu’il ne faut pas faire de l’effort une sorte de but ou, pire, une sorte de vertu.
L’ “effort aisé” ou l’ “aisance dans l’effort”, voilà ce qu’on cherche dans le pranayama (…). On est obligé souvent de se dépasser pour avancer mais si on dépasse sa limite, on recule. Et l’effet pervers de l’effort pour l’effort se manifeste. Soit il y a un peu de conscience qui nous fait réaliser qu’on est en phase d’échec, et le doute et la culpabilisation nous guettent. Soit, comme une sorte de dérobade, on ne veut rien voir de ce qui se passe en nous et la rigidité s’installe. Au lieu d’être un danseur aérien, on devient sans souplesse.
En fait, trop d’effort, comme pas assez, sont deux attitudes nuisibles dans le pranayama. Cela est vrai car rien, dans cette science, ne se fait sans le temps qui passe et son usure créatrice. Il y a bien des souffles qui sont irréalisables tant qu’on ne les a pas fait des dizaines et des centaines de fois, simplement parce que l’alchimie à réaliser prend du temps. Et, dans ce temps-là, seul le juste effort donne des fruits.
Sinon tout serait accessible à tout le monde et tout de suite. Mais ici, ça ne marche pas comme ça. Dans le chemin intérieur, nous ne sommes pas des enfants gâtés qui arrachent insoucieux, où bon leur semblent, les fruits de la consommation. Nous sommes simplement de modestes chercheurs en devenir de sagesse. Et là, notre meilleur allié est le temps. Pas nos caprices. Pas l’effort égoïste.”
Avec gratitude …
Félicitations pour cet article Eve-Anne ! Et merci de partager avec nous la sagesse de ton professeur. Cette question du juste effort est souvent présente dans mon esprit. J’essaie de trouver le bon équilibre entre paresse et hyperactivité + envie de trop « bien » faire. Et cela dans ma pratique (asana, pranayama et méditation) et dans ma vie de tous les jours. Comment avoir une attitude équilibrée, n’en faire, n’en penser, n’en dire ni trop ni trop peu… Ne quid nimis, comme disait ma prof de latin (ça m’a marquée)… C’est un chemin de tous les jours, je crois.
Je t’embrasse et te dis à bientôt,
Claudia
Salut Claudia
Merci pour ton commentaire.
Tu l’as dit : c’est une remise en cause de tous les jours. Chaque jour est différent, chaque jour on fait de nouveaux pas qui maintiennent l’équilibre ou qui peuvent au contraire le faire s’écrouler.
J’ai souvent à l’esprit en ce moment cette image de pierres en équilibre, qui se superposent et tiennent l’une sur l’autre comme par magie (comme sur la photo de fond de ma page privée facebook). Ces pierres s’alignent comme sur un fil, et tiennent immobiles, Je voyais ça comme un symbole d’alignement et d’équilibre mais je me rends compte que ces pierres sont aussi symbole de l’ « attitude juste ». Alors je me pose des questions du style : « quel est le « next step » pour que les pierres tiennent ? » ou « Tiens est-ce que je pousse trop d’un côté, tire trop de l’autre? ».
Garder son axe, tout un programme … 🙂
Bises