“Peut-il arriver qu’on se fasse des blessures en yoga ?” La réponse semble unanime : « oui, il peut arriver qu’on se blesse en faisant du yoga ».
L’idée de cet article m’est venue suite à plusieurs lectures sur le sujet.
J’ai trouvé sur le web plein d’informations sensées et logiques sur l’importance de l’alignement, sur les précautions à prendre. Je trouve ces conseils judicieux. Et pourtant … après avoir passé un certain temps à éplucher ce qui se dit sur le sujet, je me suis sentie lourde, sévère, comme… réprimée. J’avais perdu le sourire.
Et ma première réaction a été une réaction enfantine : « Et l’amusement dans tout ça, et le plaisir … et la découverte, le jeu … ? »
Parfois j’ai eu l’impression aussi que les blessures étaient considérées comme fréquentes, comme un risque à garder constamment à l’esprit, presque le quotidien d’un prof de yoga.
Hors ce n’est pas du tout le cas.
Il y a se blesser et… se blesser
Je pense qu’il y a plusieurs types de blessure. J’en vois au moins 3 :
– on peut effectivement se blesser dans un exercice de yoga si notre ego nous a poussé à faire une posture pour laquelle on n’est pas du tout prêt, si on a voulu un peu trop « jouer à Tarzan » et qu’on a été imprudent.
Je pense que ces blessures-là restent malgré tout rares et qu’elles ne sont jamais très conséquentes
– on peut aussi, sur le long terme, se faire plus de mal que de bien, si, à chaque fois que nous pratiquons, nous forçons. Si nous voulons absolument faire une posture « parfaite » parce que nous nous comparons aux autres ou à un idéal à atteindre. Le sentiment de dévalorisation peut se traduire par des problèmes ostéo-articulaires.
– il y a également les blessures qui se produisent pendant un exercice de yoga mais qui ne trouvent pas leur origine profonde dans l’exercice proprement dit.
Par exemple, si je me blesse à l’épaule pendant une posture, ce n’est pas forcément à cause de la posture. Mon épaule a très bien pu être fragilisée par autre chose. Ou mon épaule exprime en maux, en douleurs, une problématique que je ne parviens pas à exprimer autrement. Dans ce cas, la posture a simplement permis l’expression de la blessure mais n’en est pas pour autant la cause.
Pour faire une comparaison : un mur peut tenir debout des années avec une fissure. Et puis un jour vous vous appuyez dessus et il s’écroule. Vous avez mis en évidence que le mur avait un problème mais vous n’êtes pas la cause profonde de l’effondrement du mur.
Je crois que ce genre de blessure représente la majorité des blessures qu’on peut rencontrer en yoga.
Et l’alignement alors ?
« Il y a autant d’asanas que d’êtres vivants. Il n’y a que Siva qui en connaisse la totalité » Goraksa Sataka
En fonction de l’école de yoga que vous avez choisie, vous pouvez entendre des discours très différents au sujet de l’alignement. Certains yogas poussent la précision anatomique à l’extrême, d’autres pas du tout.
Le Natha Yoga fait partie des courants qui n’accordent pas d’importance à la précision anatomique. Chacun fait la posture comme son « véhicule » (le corps) lui permet de la faire. La posture est juste un « prétexte » pour développer énergie, conscience, intériorité et connaissance de soi.
Le point de vue qui suit n’engage que moi.
Je trouve que l’alignement, ça peut avoir du bon … quand il sert le pratiquant et qu’il lui apporte du bien-être… J’ai personnellement soulagé des problèmes de hanche en appliquant quelques gestes d’alignement qui ont été une véritable bénédiction.
Par contre, quand l’alignement enferme dans un carcan, il tue l’esprit du yoga.
Par exemple :
– Les pratiquants sont plus préoccupés par la recherche d’un idéal que par leurs sensations. Ils sont téléguidés par une représentation mentale de la posture qu’ils cherchent à reproduire à tout prix plutôt que de s’écouter, que de comprendre à quoi leur sert la posture, ce qu’elle peut apporter et leur apprendre sur eux-mêmes.
– Parfois aussi, on voit des élèves très soucieux de bien faire, tellement soucieux de suivre les instructions du prof qu’ils s’oublient eux-mêmes et qu’ils en oublient leur démarche intérieure, personnelle.
Je pense que ces différents modes de fonctionnement reflètent les croyances limitantes qui nous animent : manque de confiance en soi, d’estime de soi, dévalorisation, … ou qu’ils reflètent certains conditionnements dans lesquels nous sommes enfermés sans même nous en rendre compte (obéissance, hiérarchie, syndrôme du « bon élève », principes moraux, principes d’éducation, …)
Et je crois que ce sont ces modes de fonctionnement qui sont à l’origine des blessures en yoga.
Attention, je précise … Je ne dis pas que les principes moraux et d’éducation, etc … sont tous mauvais. Nous avons besoin de suivre un code pour vivre en société. Je parle ici du moment de la pratique, quand je suis seule sur mon tapis de yoga. Dans cette recherche intérieure, les conditionnements et croyances sont les obstacles que nous cherchons à dépasser, dont nous cherchons à nous libérer.
La question importante est alors la suivante :
- Est-ce que l’alignement me sert ou me dessert ? Est-ce qu’il me libère ou m’emprisonne ?
- Est-ce qu’il m’aide à mettre de la structure là où j’en manque ? Ou bien m’enferme-t-il encore plus dans certains de mes conditionnements ?
- Ai-je besoin de me cadrer ou ai-je besoin de m’autoriser, d’explorer ?
- M’apporte-t-il de la confiance, de la stabilité, du mieux-être dans la posture ou me plonge-t-il dans la dévalorisation et le doute ?
En conclusion
Je ne pense pas que l’alignement soit le plus important en yoga mais il n’est peut-être pas nécessaire de le rejeter en bloc non plus, car il peut apporter de bonnes choses pour certaines personnes. Par contre, je pense que l’alignement doit rester de l’ordre du conseil, de l’ invitation, quelque chose à prendre ou à laisser en fonction de chacun. Il ne doit pas devenir un ensemble de règles rigides et dogmatiques.
Si jamais nous nous blessons en pratiquant le yoga, bien sûr nous avons besoin de repos. Le corps a besoin de se réparer. Par contre, je ne crois pas que toutes nos blessures soient juste le signe d’un besoin de repos. Je crois que chaque blessure contient un message très précis, un apprentissage qui peut nous conduire vers du mieux-être, une opportunité de libération.
Si j’ai commencé le yoga, c’est parce qu’on m’a dit un jour que ça pouvait m’aider. Et ça a été le cas. Mais je dois bien l’avouer, si j’ai continué, c’est parce que je m’amuse. Si un jour, je ne ressens plus ça en faisant du yoga : c’est simple, j’arrête.
Le plus grand bien-être que m’apporte ma pratique de yoga est bien d’ y retrouver la légèreté de mon âme d’enfant.
Je vous invite à jeter un oeil sur ces deux article intéressants :
http://www.yoganova.fr/yoga-et-obsession-de-lalignement-parfait-6-bonnes-raisons-pour-arreter/
L’auteur ne mâche pas ses mots … C’est peut-être un autre extrême…
http://www.yogamrita.com/blog/2015/05/14/de-faire-ce-qui-entrave-les-asanas/
Un point de vue très intéressant…
Je vous souhaite joie, découverte, plaisir, amour et bonne humeur dans votre pratique du yoga !
Bonsoir, tout à fait d’accord ! Ne jamais se prendre au sérieux est très important ! Pour moi l’alignement
principal est celui de l’esprit et du corps. Merci pour cet article !
Merci à toi Cat
Merci merci pour ton article Eve-Anne!
Tu mets des mots sur ce que, au fond, je voulais entendre de la part de professeurs de yoga. Je réalise petit à petit que je ne suis pas très fan non plus de cette obsession de l’alignement, et qu’elle peut avoir des conséquences très néfastes. Tous les corps sont différents, un alignement exact et unique ne peut permettre à tous de s’épanouir dans les postures. Alors merci de le souligner si justement!
Quant à l’idée de retrouver son âme d’enfant, c’est exactement comme cela que je décris le yoga pour convaincre mes proches d’essayer 🙂
Tiphaine
Salut Tiphaine,
Et oui, il suffit d’observer les jeunes enfants pour constater que tout ce qu’on fait en yoga est complètement naturel chez eux. De vrais maîtres en la matière 🙂
point de vue très intéressant : les alignements sont là pour donner des repères, une direction, et pas un prétexte pour pousser son corps